Comment le harcèlement en milieu scolaire est-il passé de la sphère privée – considérée comme une forme de conflit entre élèves qui ne concerne pas les adultes – à une problématique relevant de la sphère publique, donc sujet à débats et objet de politiques éducatives ? L’Édubref n° 23 « Harcèlement en milieu scolaire : construction d’un problème public » vise à analyser l’évolution de cette prise en compte, de la conceptualisation du phénomène aux dispositifs contemporains de prévention et de lutte contre cette forme de violence entre pairs, à l’instar du programme pHARe en France.
Identifier un problème, c’est d’abord le nommer. La définition du harcèlement scolaire émerge dans les années 1970 grâce aux travaux de psychologues scandinaves et anglais. Près de vingt ans plus tard, la traduction du terme bullying en langue française permet aux chercheur·es et expert·es de l’hexagone de s’intéresser à cette question. Au début des années 2010, la médiatisation de cas sévères de harcèlement en milieu scolaire marque un tournant dans sa prise en compte par les pouvoirs publics. Influencé par les travaux d’E. Debarbieux, chercheur en sciences de l’éducation et spécialiste des questions de violences à l’École, le phénomène est désormais l’objet d’enquêtes orchestrées par le ministère de l’Éducation nationale, via la Depp (Direction de l’évaluation de la prospective et de la performance). Cette démarche permet de quantifier les phénomènes de violence, d’étudier leurs variations selon les âges et le sexe des élèves, et d’observer l’évolution de leurs expressions – notamment l’émergence et le développement du cyberharcèlement.
Les facteurs de harcèlement en milieu scolaire restent néanmoins l’objet de débats et de controverses. Si les premiers travaux tendaient à psychologiser le phénomène, les plus récents mettent en lumière les interactions entre groupes – d’adultes et d’enfants – et le climat scolaire. Cette traduction de la problématique vers des considérations plus collectives permet aux dispositifs de prévention et de lutte de cibler différents aspects qui peuvent agir sur la réduction des cas de harcèlement en milieu scolaire. Ainsi, le rôle des témoins, l’attitude des personnels éducatifs, le développement de compétences socioémotionnelles ou encore la formation de toute la communauté d’une école ou d’un établissement sont devenues autant de pistes pour identifier et intervenir dans ces situations problématiques.
La question du harcèlement en milieu scolaire est ainsi le fruit d’un lent processus de problématisation[1], impliquant différent·es acteur·rices des domaines de l’éducation, de la santé, de la recherche et de la politique. Ils et elles ont porté ce phénomène dans l’arène publique (scientifique et médiatique) jusqu’à le transformer en objet de politiques publiques éducatives.
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[1] Sheppard, E. (2014). Problème public. Dans Boussaguet, L., Jacquot, S. et Ravinet, P. (dir.), Dictionnaire des politiques publiques (4e éd., p. 530 -538). Presses de Sciences Po.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Marie Lauricella (25 octobre 2024). Harcèlement en milieu scolaire : comment se construit un problème public ? ÉDUVEILLE. Consulté le 13 janvier 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12klr